Mode et déforestation - WE ARE CLEAN - CLEAN FASHION

Mode et déforestation, quel est le rapport ?

A priori, on ne pense pas à l’industrie de la mode quand on évoque la déforestation de l’Amazonie, mais plutôt aux diatribes de Jair Bolsonaro et aux brûlis pour étendre les cultures de palmiers ou de soja. Et pourtant, une étude de Stand.earth, sortie en décembre 2021, établit un lien indirect qui révèle un impact majeur.

La déforestation causée par l’élevage bovin dans la Forêt amazonienne équivaut à 2% des émissions globales de CO2 annuelles, soit l’équivalent de l’ensemble du trafic aérien !

Après cette lecture, vous ne regarderez plus vos bottines ou votre sac à main de la même façon.

Le poumon de la planète est devenu un émetteur de CO2

Forêt amazonienne - WE ARE CLEAN - CLEAN FASHION

Entre les incendies et les activités agricoles intensives, la plus grande forêt tropicale du monde connaît un déclin dramatique ces dernières années. L’exploitation forestière dans la plus grande forêt tropicale du monde s’est étendue sur 13 235 km2 au cours de la période 2020-2021, selon les données du système de surveillance de la déforestation Prodes, de l’Institut national de recherche spatiale (INPE) du Brésil. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Bolsonaro, en 2019, grâce en partie au soutien du puissant lobby de l’agronégoce, la moyenne annuelle de déforestation dépasse 10 000 km2 – l’équivalent de la superficie du Liban – contre environ 6 500 km2 pendant la décennie précédente. Déjà, une étude publiée en avril 2021 dans Nature Climate Change montrait, qu’entre 2010 et 2019, l’Amazonie brésilienne avait émis environ 18% de plus de carbone qu’elle n’en avait absorbé. Cela équivaut à 4,45 milliards de tonnes rejetées, contre 3,78 milliards de tonnes stockées. Identifiée comme « point de rupture » par les experts, la déforestation de la forêt amazonienne pourrait mener à terme à un dérèglement « dramatique et irrémédiable » du climat.

L’élevage bovin, première cause de déforestation de l’Amazonie

C’est un fait peu connu, mais une grande partie du cuir de nos chaussures, sacs et autres accessoires en cuir, proviendrait en fait de vaches élevées dans la forêt amazonienne. Et cet élevage de bétail est en fait la première cause de la déforestation en Amazonie, en raison des milliers d’arbres détruits pour transformer ces régions en zones de pâturage. Contrairement à ce que l’on croit, l’industrie du bétail arrive loin devant l’huile de palme, le soja ou le cacao, ce qui en fait la première cause de déforestation de la forêt amazonienne, comme l’avait déterminé un rapport du World ressources institute. 36% des 45 millions d’hectares de forêts détruites entre 2001 et 2015 l’ont été pour y installer des bovins.

Le Brésil, premier exportateur mondial de peausseries bovines

Le Brésil compte le plus gros cheptel bovin mondial, soit 215 millions de têtes. Outre sa viande, ce bétail fournit de vastes quantités de cuir, qui inondent les marchés mondiaux, puisque 80% de la production brésilienne de cuir bovin est exportée, principalement vers la Chine (41,6%), l’Italie (27,3%), le Vietnam (9,6%) suivis de nombreux autres pays. L’industrie du cuir brésilienne a rapporté 1,1Md$ en 2020, aux principaux producteurs que sont JBS – de loin le principal – suivi par Minerva et Fuga Couros. Pour répondre à la demande des consommateurs en matière de portefeuilles, sacs à main et chaussures en cuir, l’industrie devra abattre 430 millions de vaches par an d’ici à 2025, rappelle un article du journal anglais The Guardian. 

De nombreuses grandes marques auraient des liens directs ou indirects avec ces fournisseurs de peaux

Stand.earth a analysé des millions de datas issues de données publiques ou de données de douanes. L’analyse fait apparaitre une grande opacité sur toute la chaîne logistique (déforestation, abattage, tannerie du cuir, fabrication des vêtements). Au final, de nombreux liens ont été établis entre les sous-traitants, les marques et les six principaux exportateurs brésiliens de cuir.

Pour ne parler que de JBS – le plus grand exportateur de cuir brésilien, connu pour son impact dans la déforestation de l’Amazonie, et dont les pratiques illégales ont été reconnues – il s’agirait de plus de 50 marques reliées à lui. Si l’étude ne démontre pas un lien direct entre chaque marque et la déforestation de l’Amazonie, les chercheurs ont néanmoins trouvé de multiples connexions dans les chaînes d’approvisionnement mondiales de l’industrie de la mode. Ces liens ne constituent pas des preuves absolues, mais démontrent que les marques ont de fortes probabilités d’utiliser des peausseries provenant de la déforestation.

En tout, une centaine de marques seraient concernées. Il s’agit de grands noms du sportswear (Reebok-Adidas, Puma, New Balance, Nike, Converse, Vans, Dr Martens, Camper, Caterpillar) comme de marques de fast fashion (Zara, H&M, Gap ou Marks&Spencer) ou encore de griffes haut de gamme comme Coach, Ralph Lauren, Chloé, Lacoste, Fendi (LVMH), DKNY ou Michael Kors.

La certification ne promet pas un cuir non tiré de la déforestation

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©LWG

Deux tiers des entreprises potentiellement concernées n’ont aucune politique d’engagement RSE sur le sourcing du cuir provenant de la déforestation, d’autres (22 sur 74) ont pourtant pris des engagements, auxquels elles risquent de contrevenir, parfois sans le savoir, par le biais d’intermédiaires et de fournisseurs. Certaines sont même regroupées dans le Leather Working Group (LWG) qui a promis de prendre prochainement des engagements sur le cuir de la déforestation, et qui, pour l’instant, n’évalue les tanneries que sur leur capacité à tracer le cuir jusqu’aux abattoirs, et non jusqu’aux élevages. De ce fait, la certification LWG ne garantit, pour l’instant, en rien qu’un cuir ne provienne pas de la déforestation.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, nos chaussures sont bien en cause dans la déforestation de ce qui était autrefois le poumon de la planète. Alors, même si on n’a pas l’intention de devenir vegan ou d’abandonner le cuir, il est temps d’exiger de nos marques préférées qu’elles fassent un effort supplémentaire sur le sourcing de leurs peausseries.

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