le comte Hilaire de Chardonnet - Clean Fashion - WE ARE CLEAN

La viscose, clean ou pas clean ?

La viscose est étiquetée sur nos vêtements comme une matière naturelle. Mais en réalité, c’est un procédé de transformation d’une matière naturelle, et un procédé pas si propre que cela !

La viscose : une matière artificielle, d’origine naturelle

La viscose est une matière dérivée du bois, qui a ses avantages mais aussi ses inconvénients.

Dérivée du bois

On la qualifie de matière naturelle, car elle est obtenue à partir d’une fibre naturelle. En effet, la viscose est dérivée de la cellulose de bois (bambou, maïs, soja, hêtre ou eucalyptus). Le terme viscose provient de la façon dont la fibre est fabriquée, un liquide organique visqueux utilisé pour fabriquer à la fois de la rayonne et de la cellophane. À l’origine, on l’appelait soie artificielle, car ce procédé de transformation a été inventé en 1884 par un Français, le comte Hilaire de Chardonnet, qui cherchait à obtenir une matière proche de la soie, alors très en vogue mais coûteuse (le terme rayonne est, lui, apparu en 1924.). Le succès fut immédiat. La viscose n’a été concurrencée par les fibres synthétiques, dérivées du pétrole, qu’à partir de 1938.
Pourtant, aujourd’hui encore, la viscose est très répandue dans l’industrie textile. On estime que 99 millions de tonnes de pâte de bois sont utilisés chaque année dans le monde pour produire la viscose ! 

Une matière « facile »

Les fibres artificielles obtenues – outre leur faible coût – donnent un tissu fluide, brillant, doux, fin, parfois moulant et agréable à porter. De plus, les tissus en viscose sont très résistants et fixent bien la couleur. Ils résistent mieux aux lavages successifs que les fibres naturelles, qui peuvent se délaver.
Mais la viscose a aussi ses limites. Ceux qui ont essayé de laver un vêtement dont le tissu de fabrication n’aurait pas été prélavé, le savent : la viscose peut rétrécir au lavage, se froisser facilement et se détériorer à l’exposition à la lumière. De plus, ses fibres n’absorbent pas l’humidité et ne retiennent pas la chaleur. Elles sont donc mal adaptées aux vêtements d’hiver et aux vêtements techniques pour le sport.

Un processus de fabrication chimique, polluant et gourmand 

Présentées comme des alternatives écologiques durables et biodégradables au coton et au polyester, par leur origine naturelle, les viscoses sont prometteuses, mais leur fabrication a des effets sur l’environnement.

Elles favorisent la déforestation

Deforestation  - CLEAN FOR GOOD - WE ARE CLEAN

Pour fournir le bois nécessaire à la production de ces matières artificielles (5 millions de tonnes), 70 millions d’arbres sont abattus chaque année uniquement pour répondre à la demande de l’industrie textile. En effet, il faut environ 1 kg de fibres naturelles pour obtenir 400 g de fibres viscoses régénérées. Et des milliers d’hectares de forêts tropicales sont abattus pour planter des arbres spécifiquement utilisés pour la production de rayonne. De plus, les agriculteurs pratiquent la monoculture qui détruit la biodiversité car elle puise toujours les mêmes nutriments dans le sol et l’épuise, obligeant les agriculteurs à utiliser pesticides et engrais. 

Une transformation polluante

Le procédé viscose est très gourmand en eau lors de sa fabrication : 400 à 11 000 litres d’eau sont consommés pour fabriquer 1 kg de viscose. La pulpe de bois est dissoute dans des bains de soude caustique afin d’obtenir une masse floconneuse qui est mélangée à du disulfure de carbone – toxique et inflammable – pour devenir une pâte, ensuite tirée en fils puis tissée. Enfin, les filaments obtenus sont refroidis dans un bain de sulfates et d’acide sulfurique qui permettent de fixer les fibres. Dans les pays en voie de développement où la viscose est fabriquée, on ne dispose pas de retraitement des déchets chimiques, si bien qu’ils sont rejetés dans la nature et les rivières et polluent les écosystèmes.
De plus, ces produits chimiques agressifs restent en partie présents dans les tissus fabriqués à partir de viscose malgré les traitements (teinture, impression, finitions, lavages …). La viscose est alors toxique pour le consommateur après l’avoir été pour la main d’œuvre qui l’a fabriquée.

Il existe des viscoses éthiques et écologiques

Malgré ce processus de fabrication polluant, la viscose est toujours très utilisée, y compris par des marques de mode se proclamant éthiques et éco-responsables.

Issues de forêts durables

Certaines viscoses sont issues de pulpe de bambou ou d’eucalyptus provenant de forêts gérées durablement, qui disposent du certificat PEFE-FSE ou FSC. Cela certifie que la source de matière végétale est respectueuse de l’environnement et du travail des hommes. Stella McCartney utilise ainsi de la viscose tirée de forêts durables suédoises.

Un procédé plus propre

Pour la fondation Changing Markets, la conception d’une viscose plus propre n’est pas impossible. L’organisme a ainsi rédigé une feuille de route à destination des entreprises du secteur, mettant en lumière les différents moyens d’assurer une chaîne d’approvisionnement plus sûre et respectueuse des hommes et de la planète.

Les enseignes de fast fashion sont de plus en plus nombreuses à s’engager sur cette voie, en signant cette feuille de route.

Le Lyocell, la viscose clean

La viscose est de plus en plus souvent fabriquée avec le procédé de transformation Lyocell (ou Tencel). Celui-ci utilise le N-oxyde de N-Méthlymorpholine (NMMO) comme solvant, qui a la particularité de se recycler lui aussi. Le procédé fonctionne ainsi en circuit quasi-fermé. De plus, l’eau est récupérée et les plantes fournissant la cellulose sont issues de forêts gérées durablement. Enfin, les fibres Lyocell sont biodégradables.

Une enquête publiée le 10 janvier 2019, commandée par la fondation Changing Markets et la Clean Clothes Campaign à l’agence Ipsos-Mori, révélait que 75 % des consommateurs français pensent que les marques de vêtements devraient fournir des informations sur leurs engagements environnementaux et que 72 % des Français approuvent l’idée que les marques de vêtements soient amenées à fournir des informations sur leurs fabricants de viscose et l’impact de ces derniers sur l’environnement. Malgré des efforts, on en est encore loin !

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