#cleangirl, une tendance trompeuse

Les contenus mentionnant le hashtag #cleangirl comptabilisent plus d’un milliard de « vues » sur TikTok : on peut décemment parler de tendance. Mais que se cache-t-il derrière ? Des conseils pour manger healthy ou avoir une bonne hygiène de vie? Pas vraiment : il s’agit principalement de directives à suivre en termes de maquillage et de look pour pouvoir se revendiquer du mouvement #cleangirl. Loin du body positive, derrière ces looks faussement naturels se cachent beaucoup d’injonctions. Décryptage.

La tendance #cleangirl en théorie

Contrairement à ce que l’on pourrait penser au départ, l’expression « clean girl » ne se rattache pas au mouvement healthy. Ce clean qui veut dire « propre » en français, est en fait une tendance de mode et d’esthétique qui désigne les looks simples, qui évoquent une fille bien dans son temps, avec des codes surfant sur le courant « less is more », tant dans l’habillement que dans le maquillage. Le look se veut frais, minimaliste, confortable, et l’apparence saine et naturelle. On parle de #cleangirlaesthetic de #cleangirllook #cleangirlstyle ou encore de #cleangirlmakeup. Les vêtements sont tous des basiques intemporels type t-shirt blanc, jean, sweat, mais toujours avec des teintes assez neutres dans une déclinaison de nudes, gris, écru… un style week-end en quelques sortes. Côté maquillage, le teint est glowy, la peau sans imperfection, la bouche juste brillante, les sourcils naturels. C’est le look « no make up » : on laisse croire qu’il a suffi d’une touche de gloss, d’un peu d’anticernes, d’enlumineur et d’un coup de mascara pour avoir le rendu « clean ». Enfin, côté coiffure, le cheveu est juste propre et attaché simplement, lissé ou remonté dans un chignon souple, comme si on avait passé très peu de temps à se préparer. Problème : le fameux style « I woke up like this », c’est-à-dire une apparence « au réveil », avec un visage « simplement parfait » prône la perfection naturelle, ce qui est purement inatteignable et peu réaliste.

La tendance #cleangirl en pratique

Dans la réalité de la salle de bain, ce style faussement simple demande des heures de préparation ! Et c’est bien le problème : cette esthétique laisse penser que les jeunes femmes associées à cette tendance sont naturellement comme ça. Alors qu’il s’agit d’un maquillage en réalité très sophistiqué… en effet, cette apparence est le résultat d’une recherche stylistique pointue et de techniques de maquillage recherchées. Pour obtenir ce style, les filles qui s’affichent sur les réseaux passent des heures à se préparer, très loin de la spontanéité et de la simplicité représentées. Il faut trouver LA pièce tendance, avoir le fond de teint parfait, qui camoufle et corrige mais possède un rendu invisible, il faut savoir manier l’art du contouring et jongler avec les correcteurs pour faire disparaitre toute imperfection. Si la bouche n’est pas assez pulpeuse, il faut savoir la redessiner pour en augmenter le volume de manière imperceptible… ou recourir aux injections pour qu’elles soient charnues. Les cheveux peuvent être wavy mais pas trop, ou lisses, mais sous contrôle. Les maquilleurs de studios savent bien que le plus difficile à réaliser est bien le maquillage « naturel ». Pour les jeunes filles aux cheveux lisses, dont la peau est déjà très belle et la bouche naturellement pulpeuse, il va sans dire que c’est déjà bien plus simple que pour toute autre personne qui aurait quelques irrégularités pigmentaires, des frisottis et autres boutons. Pour ces dernières, adopter cette tendance est tout simplement un échec programmé.

#cleangirl : la tendance controversée pose problème

La tendance clean girl n’est pas vraiment clean. Elle est associée à des femmes principalement caucasiennes, minces… dont le style naturel -en fait ultra maitrisé- est érigé en standard. Dans cette optique, que penser de l’appellation « clean » ? Tout ce qui ne rentre pas dans cette esthétique serait donc « sale » ? Cette tendance marque ainsi le retour d’injonctions et d’un body shaming (corps honteux) voué à disparaitre face à son pendant, le « body positive », tendance à revaloriser le corps des femmes et à normaliser ses « défauts ». Cette tendance est ainsi doublement problématique puisqu’elle impose les injonctions d’une normalité qui n’en n’est pas une, et prétend valoriser la simplicité et le naturel alors qu’elle résulte à l’inverse d’un véritable travail sur l’apparence. De quoi rendre zinzin… et déprimée ! Heureusement, de nombreuses personnes ont perçu l’hypocrisie et grâce aux réseaux sociaux ont mené une contre-offensive avec les hashtags #cleangirlaestheticproblem (le problème avec l’esthétique « fille clean » ) ou encore #cleangirlaestheticirony (ironie de l’esthétique « fille clean »).

Que garder de la tendance #cleangirlaesthetic ?

On peut garder l’esprit de cette tendance qui consiste au départ à valoriser un look simple, pas prise de tête : on garde le style intemporel composé de basiques, les coupes et les matières clean en ajoutant de la conscience écologique dans ses choix. Côté beauté, on s’en inspire pour adopter une routine simple, qui met l’accent sur des gestes visant à améliorer la santé de la peau : on valorise le nettoyage, le démaquillage, la protection, et on choisit des formules clean. Exit les formules abrasives, agressives, chimiques, fini les produits qui promettent des miracles, l’idée est de de prendre soin de soi, avec douceur. On vise une peau équilibrée, pulpeuse, hydratée et lumineuse. Enfin, du #cleanmakeup on garde le teint unifié avec un correcteur ton sur ton, et mis en lumière avec un enlumineur, et le côté frais apporté par une touche de blush et de gloss. On souligne les sourcils qui sont les architectes du visage : pas d’épilation appuyée, au contraire on les brosse vers le haut pour ouvrir le regard. Une touche de mascara et c’est tout !

Les tendances sont toujours porteuses d’inspiration pour coller à l’air du temps, mais il faut savoir décrypter celles qui vont à l’encontre de l’acceptation de soi. Garder une conscience affutée de ce qui se cache derrière les images parfaites des réseaux sociaux est primordial pour ne pas prendre au pied de la lettre ce que l’on nous sert comme la normalité de toutes. Pour cela, ne jamais perdre de vue que tout est mis en scène, retouché, amélioré, et que très peu de contenus montrent « la vraie vie » : on s’en inspire mais on s’en méfie ! Un travail d’analyse à généraliser auprès des jeunes filles en particulier qui portent sur leurs épaules encore beaucoup trop d’injonctions au moment même où se fabrique leur estime de soi.

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